Le 26 janvier à Paris, ils étaient des milliers à se rassembler en un « jour de colère ». Un paquet de gens en colère contre le gouvernement grotesque qui nous dirige. Un paquet de gens, dont une partie sans doute écœurés par le vertige libéral, par cette valorisation économique de tout, qui fait qu’un final, plus rien n’a de valeur.
Mais être en colère, ça ne suffit manifestement pas. On peut être très en colère et aussi très con, mais aussi très seul ou encore avoir une vie de merde. On peut même se défouler et que cette vie soit toujours aussi merdique après.
Ils sont en colère, soit. Et de ce mouvement explosif que nous sommes nombreux à ressentir, ils en appellent directement à la froideur, à la rigidité, à la conservation. Un monde prévisible, bien ordonné, où une femme reste à sa place, les étrangers « chez eux » et les flics dans la rue.
Définir ce qui doit être, universellement. Ils en appellent à des lois, toujours plus strictes, et des organes répressifs, toujours plus présents. Et pour cela, bien sur, ils ont infiniment besoin de celui-là même qui cause leur colère : le gouvernement.
La situation actuelle est difficilement compréhensible : d’un côté on n’a jamais été aussi méfiant vis-à-vis des politicards, de l’autre trop rares sont ceux qui croient vraiment qu’on puisse se passer d’eux.
D’ailleurs, ceux qui sont le plus entendus sont souvent ceux qui brillent par la pauvreté de ce qu’ils proposent. À l’image de Dieudonné qui s’indigne contre « le système » et vous incite tout au plus à signer une pétition – antisémite ! À l’image de tous les candidats à toutes les élections qui se renvoient la balle et nous resservent toute sorte d’arguments frelatés et de propositions déjà-vu pour qu’au final tout se répète : la crise, le travail, l’endettement, les flics. À l’image des cathos réacs qui veulent nous enfermer à nouveau dans « la famille », l’école, l’armée… pour nous sauver des méfaits du libéralisme et de la gauche.
Aujourd’hui, il faut que nos vies changent et pas que la politique change.
Il y a une colère qui n’a pas peur de son explosion. Elle est de celle qui brise les portes et les murs pour découvrir ce qui s’y cache. Une colère qui abolit la peur de l’autre, de la rencontre, de l’expérience nouvelle, et de la transformation de ce qui nous entoure et de ce que nous sommes.
Et il est possible qu’en explosant, cette colère emporte avec elle les frontières qui nous séparent, l’ordre moral qui nous conduit et les caméras qui nous surveillent.
Il est possible qu’en explosant, cette colère nous rapproche, nous inspire l’envie de se trouver, de puiser dans le futur, dans le passé, ailleurs, l’inspiration nécessaire à se faire ensemble une vie meilleure.
Cette colère-là se moque bien du gouvernement, car ce qu’elle appelle, nous pouvons le construire nous-même : des espaces et des amitiés sans « identité française », des coups de foudre qui ne font pas bon genre ou encore des initiatives, comme cette fête, qui n’ont besoin de l’accord d’aucune autorité pour nous réunir.
Le 5 avril, alors que le « jour de colère » voudrait de nouveau prendre la rue, nous appelons à une grande fête sauvage. Comme une rencontre de tous ceux qui ne sont pas dans les clous et qui ont la rage contre ceux qui voudraient les y faire entrer.
Retrouvons-nous à midi place Wilson pour un grand repas, et une après-midi de fête et de jeux !